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Le Refuge
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8 octobre 2009

1979 – Elle a maintenant 18 ans, la fille aux yeux tristes.

L’année commence comme la suivante s’est terminée.

Rien de détonnant en France non plus dans l’actualité.

Elle poursuit ses études sans réelles difficultés scolaires. C’est plus un problème de socialisation qui est le sien. Beaucoup de solitude. Beaucoup d’angoisse de n’être pas comme les autres – ce terrible complexe qu’elle porte comme une chape de plomb.

Elle commence à avoir même un comportement déviant vis-à-vis de la nourriture dans sa phobie de manger seule à la cantine au milieu de la foule, des groupes d’amis, des clans où elle n’a aucune place. Dans les rues, elle achète et se gave à toute vitesse de pommes ou de gâteaux puis se fait vomir…

Sublimation du mal-être ? Elle décide de tous lire en partant de la Bible, Ovide, Virgile, Saint-Augustin pour arriver à Bergson, Sartre, Camus, Beckett, Beauvoir, Sand, Balzac, Zola, Flaubert, Vian… et en passant par Voltaire, Descartes mais aussi Marx, Nietsche, Hegel, Heidegger…. Une œuvre majeure de chaque auteur. Elle s’accroche même si parfois elle doit relire trois fois certaine page du Capital pour y comprendre quelque chose. Ces neurones tournent à plein. L’effet de tout cela est au-delà du thérapeutique, le temps passé à lire se transformant en une sorte de caisson de décompression émotionnelle, histoire d’éviter que le cerveau n’éclate quand il allait soudain réémerger dans le monde réel.

En cette fin de première année, il y a un stage « ouvrier » à réaliser. Elle trouve quelque chose dans une usine d’électroménager. Elle y vit le travail à la chaîne. Cette aliénation des individus au travail où le corps devient robot et exécute des milliers de fois le même geste sans comprendre sa raison d’être (Ah ! ce cher Taylor). Atelier de femmes en majorité où parler et aller faire pipi sont interdits durant des heures tuantes. Un jeune homme, apprenti régleur semble s’intéresser à elle. Il l’a même inviter à boire un verre. Mais un jour il oubliera de remettre la sécurité sur la presse qu’il réglait et y perdra la main droite. Elle aurait pu aller le voir à l’hôpital. Mais elle ne l’a pas fait car elle a appris que les ruptures sont inéluctables.

D’ailleurs, elle ne sait pas ce qu’il faut faire avec les garçons.

A l’école, une fois un voisin de palier lui à glisser sa cuisse entre les siennes par derrière, dans la file d’attente pour aller au réfectoire. Une autre fois, en cours, un autre garçon lui a posé la main sur la cuisse… mais elle ne sait pas répondre à ces gestes. L’éventuelle suite à donner l’effraie plus qu’autres choses. Elle se sent gourde avec les garçons. Elle sait qu’elle est plutôt pas mal maintenant qu’elle a perdu 17 kilos mais elle se sent encore grosse à l’intérieur. Elle a une allure un peu garçonne qui pourrait sûrement plaire. Mais toute idée de flirt, de drague la paralyse.

La deuxième année commence comme la première même si elle trouve un peu plus ses marques dans cet univers.

Pourtant elle s’est fait traiter de « cloporte » par une fille de sa classe. Elle a été fracassée par l’attaque. La  fille l’a démolie jusqu’aux os par cette insulte.

Mais depuis qu’elle a trouvé un poids « normal », elle a découvert qu’elle était plutôt douée en sport. La fille en question s’est prise et tout sauf par hasard, le ballon en pleine poire durant le match de handball – petite vengeance qui s’est terminée à l’infirmerie pour l’autre..

De temps en temps elle partage son statut de paria avec une inadaptée sociale au sang bleu Emmanuelle de G. qui dénotait du reste des étudiants par ses manières d’un autre temps et ses opinions à droite de l’extrême droite qui pourraient semer l’épouvante. Bien qu’elle-même, soit plutôt une franche sympathisante de gauche, elle s’est fait traiter à plusieurs fois de « fasciste » ou de « nazi » dans les couloirs à cause de cette nouvelle amie. Insultes qui l’a meurtrissent tellement c’est injuste. Leur alliance a été un boomerang. C’était elle qui avait lancé l’idée et, depuis, elle ne cessait de se reprendre cette nouvelle amie en pleine gueule.

En cette fin d’année 1979, le Canard enchaîné révèle l'affaire des diamants de Bokassa mettant en cause le président Giscard d'Estaing.

Le ministre du travail Robert Boulin, est retrouvé mort dans la forêt de Rambouillet.

Et l’« ennemi public numéro un », Jacques Mesrine est tué par des policiers.

La vie n'est pas triste. Elle a des heures tristes.

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