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Le Refuge
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6 octobre 2009

1978 – Elle a 17 ans, la fille aux yeux tristes.

1978 –  Elle a 17 ans, la fille aux yeux tristes.

C’est un début d’année où l’on voit le baron Empain se faire enlever, où  l’Amoco Cadiz  répand son chargement toxique sur nos côtes et où Cloclo quitte ce monde.

Mauvais auspices ?

C’est les derniers mois au village où elle se perdait en balades solitaires. Ses parents ont fait construire une maison en ville où elle n’aura pas de chambre à elle, contrairement à sa sœur cadette. Mais elle s’en fout. Elle n’aimera jamais cette maison.

C’est aussi la fin des années au lycée. Elle a été collée le dernier samedi pour la première fois en huit ans. Elle est rentrée trop tard, après la fermeture des portes de l’internat ce dernier mercredi, jour de sortie autorisée. Elle est fière c’est la première fois qu’elle sort de son image de petite fille bien sage. Pas d’adieux, pas de promesses de se revoir avec ses copines qu’elle connaît pourtant depuis tant d’années. Elle n'est pas forte pour maintenir les relations à distance. Et elle est habituée aux ruptures depuis si longtemps.

En juin, l’Argentine est championne du monde de football chez elle. La France ne sort pas de son groupe de qualification. Dommage car elle adore le foot, le Racing Club de Lens et Michel Platini.

C’est l’année du bac – elle révise dans le grenier – elle en fait probablement une crise d’asthme qui l’empêche de dormir avant les épreuves mais elle a son bac avec mention comme elle s’y attendait.

Elle passe ses vacances d’été en camping avec sa famille et des amis – c’est une période de grande solitude et de souffrance – elle a le sentiment d’être anormale, vilain petit canard rejeté de la bande vers qui elle n’a pas la force de faire un pas et qui ne fait rien pour l’aider à en sortir – elle en fait des insomnies.

Septembre, entrée dans une école d’ingénieur que son père lui a choisit – angoisse de l’inconnu. Elle découvre sa nouvelle cothurne – Olivia C. avec qui elle passera 5 ans à l’école. Son antithèse en quelque sorte et qui sera finalement une de ses meilleures copines.

Depuis quelques mois elle fait un régime d’enfer et perd 17 kilos. Précieuse victoire sur un corps gavée de cortisone depuis plus de 11 ans, et dont elle a honte. Celle que l’on surnomme méchamment « la grosse » gardera à vif, la cicatrice de ses complexes, qui ne s’effacera pas de si tôt. Elle doit avoir des carences alimentaires car elle a mal aux genoux et a de la peine à rester debout pendant les cours de gym.

Elle rentre toutes les semaines chez ses parents par le train corail. Deux heures d’ennui chaque vendredi après les cours et chaque retour le dimanche soir. C’est à chaque fois la même angoisse.

Sa mère, dans un rituel peut-être déculpabilisant lui fait un « marbré » au chocolat pour la semaine. C’est si rare un geste affectueux de la part de cette mère qu’elle dévore toujours le gâteau dès le premier soir en rentrant à l’école. Elle a peur de se retrouver seule à la cantine du campus – toujours ce sentiment lancinant de ne pas être normale. La honte, d’être seule, différente des autres, en groupes, intégrées, bien dans leu peau.

En cette fin d’année, l’ayatollah Khomeiny trouve refuge en France.

Alain Colas disparaît dans la Route du Rhum.

C'est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes. 

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